Evelyne Brisou-Pellen (Née en 1947) Écrivain français. Elle est l'auteur de nombreux livres pour la jeunesse pour lesquels elle a reçu plusieurs prix.
En 1819, Julien, dix ans, découvre qu'il a été adopté. Il quitte la Bretagne et s'embarque sur le Prince Sauvage à destination d'Haïti.
La rivière de Bonny est plus lointaine, mais sans doute plus sûre. C'est là que nous irons, conclut-il alors.
- C'est ça, chuinta Jos. Parmi les crocodiles, les moustiques et les requins. »
À cause du vent qui soufflait de face, personne ne sembla l'avoir entendu, à part Julien.
« Sachez pour vous rassurer, reprit le capitaine d'une voix forte, que nous ne volons personne : nous achetons les esclaves un bon prix, et cela fait à la fois les affaires de leur pays et du nôtre, car nos colonies ont un cruel besoin de main- d'œuvre.
- Pas l'affaire de ceux qui sont vendus, saint Capitaine », siffla Biaise-Benoît entre ses dents.
Il n'avait pas parlé assez fort pour que Chevillot entende et celui-ci continua :
« Vous ignorez sans doute que, chez eux, ils sont déjà esclaves. L'esclavage existe depuis toujours en Afrique, et ces gens ont été capturés bien avant notre arrivée.
- Si on n'allait pas en acheter, susurra Jos par un coin de sa bouche qu'il tordait avec un grand savoir-faire, ils auraient moins de raisons de faire des prisonniers.
- Et croyez-moi, poursuivait le capitaine, ils seront mieux aux colonies que chez leur actuel maître africain. »
Cette fois, c'est de nouveau Biaise-Benoît qui grinça : « Il croit ce qu'il veut. Il n'a jamais vu le travail des Noirs sur les plantations.
- Chez les planteurs, ils sont nourris et soignés. Ils font presque partie de la famille.
- Ils sont mal nourris, battus, ils sont loin de leur pays, arrachés à leur famille, ils travaillent du matin au soir sans espoir de sortir de là, commenta Biaise-Benoît avec colère.
- J'entends des murmures ! » s'exclama le capitaine d'un ton menaçant.
Les officiers levèrent brièvement leur cravache, ce qui fit taire les protestataires. De l'arrière du groupe, Anselme surveillait lui aussi les matelots d'un air inquisiteur. S'il y avait mutinerie, c'était son travail sur le faux-pont qui en pâtirait et il refusait de dire adieu à sa prime.
« Qui peut se donner le droit de soumettre les autres à l'esclavage ? s'écria alors Youenn.
- Qui a parlé ?
- Le timonier ! dénonça Anselme.
- Trois douzaines de coups de fouet ! » hurla le capitaine.
Contrairement à ce qu'espérait Julien, personne ne protesta.
Évelyne Brisou - Pellen, Deux Graines de cacao, coll. Le Livre de poche jeunesse
Éditions Hachette Livre, 2001.
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